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Une entreprise de construction privée israélienne propose 165 $ par jour pour démolir des maisons à Beit Lahia

Younis Tirawi

2 décembre 2024

Le 28 novembre, le ministre israĂ©lien du Logement et de la Construction, Yitzhak Goldknopf, a visitĂ© la frontiĂšre de Gaza, accompagnĂ© de Daniella Weiss, la marraine du mouvement des colons sionistes, avec pour objectif explicite de “repĂ©rer” des sites pour la rĂ©installation. Goldknopf a postĂ© une photo oĂč il regardait Ă  travers des jumelles la rĂ©gion.

“Aujourd’hui, j’ai visitĂ© les colonies de la bande de Gaza,” a tweetĂ© Goldknopf, prĂ©sentant l’expĂ©dition comme une riposte aux mandats d’arrĂȘt de la CPI contre Benjamin Netanyahu et l’ancien ministre de la DĂ©fense Yoav Gallant. “L’implantation juive ici est la rĂ©ponse au terrible massacre et la rĂ©ponse Ă  la Cour pĂ©nale internationale de La Haye qui, au lieu de se soucier des 101 otages, a choisi d’émettre des mandats d’arrĂȘt contre le Premier ministre et le ministre de la DĂ©fense.”

“La visite qui a eu lieu aujourd’hui comprenait un arrĂȘt Ă  plusieurs points de vue significatifs, Ă  l’entrĂ©e du corridor de Netzarim - pour comprendre l’importance dĂ©cisive de l’endroit et sa prĂ©paration immĂ©diate pour l’implantation juive,” dĂ©taille un post du mouvement de colons Nachala de Weiss. IsraĂ«l a menĂ© des dĂ©molitions massives dans le corridor de Netzarim qui sĂ©pare le nord et le centre de Gaza alors que l’armĂ©e israĂ©lienne travaille jour et nuit pour nettoyer ethniquement les Palestiniens du nord de Gaza.

“Le ministre a exprimĂ© sa grande apprĂ©ciation pour le dĂ©vouement et la joie de tous les partenaires et a promis son soutien et son aide autant qu’il le peut pour l’implantation juive Ă  Gaza !” indique un post sur la page Facebook du mouvement Nachala.

En plus de l’armĂ©e israĂ©lienne qui effectue des dĂ©molitions massives, Drop Site News a dĂ©couvert qu’IsraĂ«l a dĂ©sormais sous-traitĂ© Ă  des entreprises privĂ©es spĂ©cialisĂ©es dans la construction de colonies pour travailler dans le nord de Gaza. Une entreprise de construction a confirmĂ© qu’elle embauchait pour des opĂ©rations Ă  Beit Lahia, une ville adjacente Ă  la frontiĂšre nord de Gaza. C’est la premiĂšre fois qu’une entreprise privĂ©e est documentĂ©e en train de travailler dans le nord.

L’utilisation de sous-traitants privĂ©s pour effectuer des dĂ©molitions a dĂ©jĂ  Ă©tĂ© documentĂ©e Ă  Rafah par la sociĂ©tĂ© Meshek Afar. Et la sociĂ©tĂ© de construction Asia affirme avoir travaillĂ© sur le quai de Gaza et sur la route le long du corridor de Philadelphie. En mai, un travailleur de la construction, Liron Yitzhak, a Ă©tĂ© tuĂ© dans le sud de Gaza alors qu’il travaillait pour une entreprise non nommĂ©e.

Une annonce d’emploi de Libi Construction and Infrastructure Ltd.—une entreprise de construction de colonies enregistrĂ©e dans l’avant-poste illĂ©gal de Shiloh prĂšs de Ramallah—a rĂ©cemment Ă©tĂ© publiĂ©e dans un groupe Facebook nommĂ© “rĂ©servistes” pour effectuer des dĂ©molitions Ă  Gaza. Cependant, l’utilisation de sous-traitants privĂ©s permet aux travailleurs civils, et pas seulement aux rĂ©servistes israĂ©liens, d’entrer Ă  Gaza.

“Recherche d’opĂ©rateurs de bulldozers pour des travaux de dĂ©molition Ă  Gaza,” lit-on dans la description de l’emploi, “Le poste convient Ă©galement Ă  ceux qui n’ont pas servi dans l’armĂ©e. Bonne rĂ©munĂ©ration.”

Libi Construction se spĂ©cialise dans la construction d’avant-postes de colonies Ă  travers la Cisjordanie occupĂ©e, en particulier dans les parties nord et la vallĂ©e du Jourdain. Ces derniers mois seulement, l’entreprise a construit des dizaines de colonies dans les rĂ©gions de Naplouse et Salfit en Cisjordanie. Selon son site web, elle “se spĂ©cialise dans la construction de bĂątiments prĂ©fabriquĂ©s de tous types – pour un usage rĂ©sidentiel, institutionnel et public. Tout est Ă  notre charge. Il ne reste plus qu’à peupler les maisons.”

Bien que l’annonce d’emploi concerne des travaux de dĂ©molition, le groupe de construction Libi ne propose pas de services de dĂ©molition sur sa page web et est trĂšs spĂ©cialisĂ© dans l’activitĂ© de colonisation et la construction rapide de colonies.

L’annonce intervient alors qu’IsraĂ«l anĂ©antit le nord de Gaza. “IsraĂ«l mĂšne un nettoyage ethnique dans le nord de Gaza. Il n’y a plus de Beit Lahia, plus de Beit Hanoun,” a dĂ©clarĂ© l’ancien chef d’état-major et ministre de la DĂ©fense israĂ©lien Moshe Ya’alon dans des remarques largement publiĂ©es et critiques le 30 novembre. Ya’alon s’était auparavant vantĂ© d’avoir dĂ©truit des milliers d’unitĂ©s rĂ©sidentielles Ă  Gaza et se trouve maintenant en opposition avec le gouvernement. “Ils sont actuellement en opĂ©ration Ă  Jabalia et nettoient la rĂ©gion des Arabes.”

###Libi Construction et Infrastructure Ltd. et Harel Libi

L’annonce d’emploi sur Facebook Ă©tait une capture d’écran d’une story WhatsApp d’un homme nommĂ© Harel Libi, officiellement enregistrĂ© comme administrateur de l’entreprise. Je me suis directement adressĂ© Ă  Libi pour m’enquĂ©rir de l’emploi, et il a confirmĂ© que l’entreprise embauche des civils en plus des membres de l’armĂ©e israĂ©lienne. La seule question que Libi m’a posĂ©e Ă©tait si j’avais de l’expĂ©rience, Ă  quoi j’ai rĂ©pondu oui.

Il m’a dit qu’il Ă©tait Ă  Gaza, mais qu’il nous enverrait tous les documents pertinents et la documentation nĂ©cessaire Ă  son retour en IsraĂ«l. Nous avons convenu que le travail commencerait dans quelques jours.

Sur la base de mes conversations avec Libi, les conditions de paiement pour le travail sont fixées à un taux journalier de 600 shekels israéliens (environ 165 $/jour), avec un horaire de travail allant de 5h00 à 19h00, cinq jours par semaine, à Beit Lahia. Le travail devrait commencer dÚs la semaine prochaine. Libi a clairement indiqué que les personnes travaillant sur le projet ne sont pas autorisées à quitter la zone sans escorte militaire. Il a également noté que la durée du projet est indéfinie, sans date de fin spécifique pour le contrat.

Le lendemain de notre premier contact, Libi m’a envoyĂ© un document Ă  remplir pour pouvoir continuer. Le document ne mentionne pas “Gaza” mais me demande de reconnaĂźtre que le travail sera effectuĂ© hors des frontiĂšres israĂ©liennes.

Les conditions clĂ©s pour participer en tant que civil Ă  des opĂ©rations au-delĂ  des frontiĂšres d’IsraĂ«l incluent :

  • Article 2 : L’individu reconnaĂźt qu’il a reçu des instructions de sĂ©curitĂ© et de sĂ»retĂ© liĂ©es Ă  l’exĂ©cution de ses fonctions hors des frontiĂšres.

  • Article 3 : L’individu avait la possibilitĂ© de remplir ses obligations en tant que rĂ©serviste militaire mais a choisi d’effectuer le travail assignĂ© en tant que civil.

  • Article 6 : En cas de dĂ©cĂšs lors de ces opĂ©rations, l’individu sera reconnu comme une “victime d’actes hostiles” plutĂŽt que comme un “soldat tombĂ© au combat”.

Notre gestionnaire de travail serait Aviad Cohen, et tout l’équipement et les vĂ©hicules utilisĂ©s pour l’opĂ©ration appartiendraient Ă  l’entreprise. Cohen et son numĂ©ro de tĂ©lĂ©phone apparaissent Ă©galement dans une annonce d’emploi pour la construction dans la Cisjordanie occupĂ©e par le groupe de construction Libi.

Libi Construction est dĂ©tenue par plusieurs colons qui ont Ă©tĂ© largement documentĂ©s par de nombreux ONG israĂ©liens et groupes de surveillance pour leurs attaques contre les communautĂ©s palestiniennes en Cisjordanie occupĂ©e. Selon Kerem Navot (La Vigne de Naboth), une ONG israĂ©lienne qui surveille et mĂšne des recherches sur la politique fonciĂšre israĂ©lienne en Cisjordanie occupĂ©e, l’entreprise a construit la colonie d’“Adei Ad” et s’est forgĂ©e une rĂ©putation notoire pour ĂȘtre l’un des avant-postes les plus violents et brutaux en Cisjordanie occupĂ©e.

Et, selon le chercheur israĂ©lien Dror Etkes, fondateur de Kerem Navot, l’entreprise a des liens Ă©troits avec Amana, une organisation de colons actuellement sous sanctions amĂ©ricaines, et le conseil de colonisation en Cisjordanie.

Le groupe a travaillĂ© Ă  un rythme accĂ©lĂ©rĂ© ces derniers mois pour construire des colonies en Cisjordanie. Un post sur Facebook de septembre mentionne l’implication de la sociĂ©tĂ© Libi dans la construction d’un quartier de 62 unitĂ©s dans la colonie d’Itamar, situĂ©e prĂšs de Naplouse en Cisjordanie. En juillet, un colon a remerciĂ© la sociĂ©tĂ© Libi pour son rĂŽle dans la construction d’un nouveau complexe de colonisation dans l’avant-poste illĂ©gal de Revava, situĂ© dans la ville palestinienne de Salfit, Ă©galement en Cisjordanie.

Libi a une longue histoire qui inclut plusieurs confrontations avec la “rĂšgle de droit”. Dans un article du journal israĂ©lien Haaretz de 2012, Harel Libi apparaĂźt comme l’un des 12 colons ayant reçu des ordres d’expulsion de Cisjordanie pour leur implication dans des attaques contre des rĂ©sidents palestiniens et l’armĂ©e israĂ©lienne en Cisjordanie. Un autre des 12, Zvi Sukkot, est maintenant membre de la Knesset.

Harel est considĂ©rĂ© comme l’un des colons les plus violents en Cisjordanie. Libi a fondĂ© l’avant-poste de Marom Shmuel sur les terres de plusieurs villages, y compris Beit Dajan, et y gĂšre une ferme. Un article de septembre dans le journal israĂ©lien Zman Israel, Ă©crit par Omer Sharvit, dĂ©taille la relation Ă©troite entre Harel Libi—surnommĂ© “Coco”—et Moshe Sharvit, un colon sanctionnĂ© par l’UE, les États-Unis et le Royaume-Uni pour ses actions. L’article inclut des tĂ©moignages de fermiers palestiniens dĂ©crivant comment Sharvit, sous sanctions amĂ©ricaines, a collaborĂ© avec Libi pour mener des attaques contre des fermiers palestiniens dans la vallĂ©e du Jourdain. Dans un incident, un rĂ©sident de Hamra dans la vallĂ©e du Jourdain a rapportĂ© que des colons de la ferme de Libi ont incendiĂ© sa propriĂ©tĂ©.

“Moshe Sharvit est arrivĂ© ici avec un quad, a roulĂ© autour de la zone rĂ©sidentielle, a insultĂ©, et Ă©tait armĂ©,” a dĂ©clarĂ© un fermier nommĂ© Abu Seif Ă  Zman Ă  propos d’une rencontre le 24 aoĂ»t 2023. “Il a appelĂ© son ami Coco pour venir. En tout, ils Ă©taient cinq ou six, et ils ont ouvert les robinets de deux rĂ©servoirs d’eau.”

Dans un article de l’annĂ©e derniĂšre, le journal israĂ©lien de droite Makor Rishon dĂ©taille les efforts de Harel Libi et de sa femme Talia dans une longue interview. Sa femme a racontĂ© au journal comment elle et son mari se sont consacrĂ©s Ă  Ă©tablir le plus de colonies possible. Ils ont dĂ©mĂ©nagĂ© frĂ©quemment, allant mĂȘme jusqu’à installer des avant-postes illĂ©gaux selon la loi israĂ©lienne, avec pour but de s’installer sur autant de terres que possible et de prendre le territoire des Palestiniens.

Dans une interview YouTube de 2022 sur la chaĂźne Ezri ToBe, Ă©galement publiĂ©e par le journal de droite Arutz Sheva, canal 7 d’IsraĂ«l, Ezri visite l’avant-poste illĂ©gal de Marom Shmuel. Libi reconnaĂźt que la terre n’est pas la leur—et prĂ©tend qu’ils la gardent simplement jusqu’à l’arrivĂ©e d’autres colons : “Nous ne sommes pas venus ici pour s’emparer de la terre. Nous ne saisissons pas la terre. Ce n’est pas notre terre—ni la nĂŽtre, ni celle d’une autre ferme. Nous gardons la terre. C’est une grande diffĂ©rence. À la fin de la journĂ©e, la terre n’est pas la nĂŽtre.”

L’intervieweur conclut en demandant Ă  Libi oĂč ils prĂ©voient d’aller ensuite. Souriant, Libi rĂ©pond : “Nous n’allons pas rĂ©vĂ©ler tous les secrets.”